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Portrait d’un étudiant et apprenti ingénieur pédagogique - Simon Boschel

Simon Boschel est étudiant en master Sciences de l’éducation, parcours Technologie pour L’éducation et la Formation (TEF) à l’université Rennes 2. Il est également en contrat d’apprentissage au Service universitaire de Pédagogie de l’université (SUP), sur un poste d’ingénieur pédagogique (IGP). Le témoignage de son expérience d’étudiant-praticien, de son parcours, de ses missions, de ces futurs permet de cerner les missions et le quotidien d’un IGP en formation. Portrait.

Bonjour Simon, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Simon : Je suis étudiant en master 2 TEF, Technologies pour l’Éducation et la Formation, une mention du master Sciences de l’Éducation. Suite à un diplôme dans le marketing et le commerce (nb : bac STG et BTS MUC), j’ai pris une année pour réfléchir à ce que je souhaitais faire.

Après un début de licence 1 d’histoire où j’ai senti très rapidement que je décrochais, je me suis réorienté avec l’aide et le suivi de la mission locale. J’ai trouvé ma place et ma motivation dans le secteur de l’insertion professionnelle, où j’ai intégré une licence professionnelle en sciences de l’éducation à Rennes 2, la licence MF2I (nb : métier de la formation individualisée en insertion). J’étais formateur et conseiller en insertion professionnelle auprès de demandeurs d’emploi. La question de la poursuite d’étude s’est rapidement posée. Est ce que je vais continuer ? Si oui, toujours en Sciences de l’éducation ?

C’est en me renseignant, par rapport à mes appétences : accompagner les personnes, transmettre, faire usage du numérique, que j’ai découvert le master TEF et le master SIFA. J’ai pris une seconde pause dans mes études pour travailler comme formateur au CLPS où j’accompagnais des demandeurs d’emploi dans leurs recherches d’emploi avec des publics plus ou moins en difficulté. J’ai fait ça pendant cinq mois. J’ai travaillé au trésor public pendant deux mois (rire), rien à voir hein, j’encaissais les impôts.

En parallèle, j’ai entrepris des petites démarches pour me questionner sur mon projet, notamment un stage de deux semaines au SUP, le Service Universitaire de Pédagogie de l’université de Rennes 2. J’y ai rencontré la responsable, Mme Chusseau, avec qui j’ai fait un entretien professionnel où je l’ai questionnée sur son parcours, sur son poste, ses missions. Cet entretien a débouché sur une période de stage en immersion qui m’a plu. J’ai candidaté pour faire le master 1 TEF et faire mon alternance au sein du SUP.

Donc me voici arrivé, cela fait maintenant un an et demi que je suis au service universitaire de pédagogie de l’université Rennes 2 et en master TEF.

Est ce que tu peux préciser ce que c’est le SUP, quel est le rôle de ce service ?

Simon : Le SUP, c’est le service universitaire de pédagogie, c’est un des services généraux de l’université. Ses grandes missions sont d’accompagner et de soutenir l’innovation pédagogique des enseignants-chercheurs, ou de toute personne qui souhaiterait éventuellement pousser la porte du service et demander un accompagnement :

« Comment est-ce que je peux dynamiser mes cours ? Je sens que mes étudiants ne comprennent pas ou semblent s’ennuyer en cours. Est ce que c’est moi ? Est ce qu’il y a quelque chose à revoir ? »

Il y a également la possibilité pour les enseignants d’enregistrer leurs cours, c’est un exemple d’aspect plus numérique. Une cellule de notre service est dédiée à la captation vidéo, les professionnels accompagnent par exemple à la prise en main de l’outil « classe virtuelle ». L’année dernière, j’intervenais sur le projet DÉSIR (nb :Développement d’un Enseignement Supérieur Innovant à Rennes). Les enseignants postulaient sur des appels à projet pour tester, dynamiser et faire de l’innovation pédagogique dans leurs cours avec le numérique.

L’une des branches du SUP, c’est la CED (nb :Cellule d’Enseignement à Distance), : où on gère tous les étudiants inscrits à distance : mises à disposition des cours, médiation et interface entre les enseignants et les étudiants, accompagnement à la médiatisation de cours, gestion administrative… Personnellement, j’interviens dans la cellule d’Accompagnement à la Pédagogie qui est spécialisée sur, comme son nom l’indique, l’accompagnement pédagogique, sur les appels à projet.

Tu as décrit les missions du SUP, qui sont sans doute entre autres tes missions… Si tu devais les expliquer succinctement ? Et/ ou ton quotidien ?

Simon : L’intitulé de mon poste c’est ingénieur pédagogique. J’ai souvent cette impression d’être plutôt un chargé de mission dans le sens où je touche à tout. Je peux faire de la gestion événementielle comme organiser une journée sur l’innovation pédagogique où j’accompagne sur la mise en œuvre, la gestion des intervenants, le planning, les accompagnements, la programmation… J’encadre également des accompagnements avec mon tuteur, comme par exemple sur des accompagnements individuels d’enseignants qui déposent des projets d’innovation pédagogique. Récemment, je me suis mis à faire ce qu’on appelle de la médiation : je prends en main le logiciel Articulate StoryLine avec lequel j’ai commencé à développer un tutoriel de prise en main de la plateforme Cursus à destination du public enseignant.

Un dispositif « Nouveaux maîtres de conférence » est en train d’être conçu. Il sensibilise et forme les enseignants-chercheurs nouvellement nommés (qui viennent d’être titularisés maître de conférence) aux questions liées à la pédagogie dans l’enseignement supérieur. J’ai, dans ce projet, une posture d’observateur.

Pour terminer sur mes missions, un dispositif de développement professionnel « Miroir » a été mis en place dans notre cellule. Une fois tous les quinze jours, une partie de nos collègues ingénieurs pédagogiques du SUP ou de l’université se réunissent pour se former sur une thématique. Ça peut être par exemple sur la thématique de la compétence, sur l’hybridation… Cet atelier de partage de pratique est créé par des ingénieurs pédagogiques qui forment les autres ingénieurs pédagogiques qui y assistent. À tour de rôle, chacun s’empare d’une thématique, et il y a un roulement. Moi, je participais à l’ingénierie pédagogique de la séance sur la thématique de l’hybridation, j’anime pour le mois de juin une séance avec mes collègues.

Tu parles depuis tout à l’heure du métier d’ingénieur pédagogique, comment tu définirais ce métier là ?

Simon : C’est un métier à plusieurs casquettes. Tu fais plusieurs choses, de la gestion, gérer des accompagnements, de l’événementiel avec des échéanciers très précis, des appels à projets… Dans mon service, certains ingénieurs pédagogiques font aussi de l’ingénierie de formation. Ils doivent penser à un niveau un plus large, celui de la création d’un dispositif. Le métier d’ingénieur pédagogique, il est protéiforme. Il va y avoir des aller-retour entre l’ingénierie de formation, l’ingénierie pédagogique et la gestion événementielle. On oscille entre le niveau micro, mezzo et macro.

Accompagner par exemple un enseignant sur la rénovation d’un cours, bien re-spécifier ces objectifs ; - la majeure partie du temps, quand c’est clair pour lui ça va être plus clair pour ses étudiants - ça va être plus au niveau micro, alors que l’ingénierie de formation ça serait revoir l’ensemble du dispositif. Mais on touche-à-tout.

Tu me disais que tu étais étudiant en master, quels sont les liens entre ton environnement professionnel et le master dans lequel tu es ?

Simon : Personnellement, le lien, moi, je vais le trouver dans des UE (nb : unité d’enseignement) comme « ingénierie de projet, ingénierie de formation ». Je vais faire des liens directs avec ce que je vis au quotidien parce que c’est thématique : de la gestion de projet, de la méthodologie que je peux transposer et utiliser pour m’organiser dans mon environnement professionnel, avoir des outils et un bagage théorique.

D’autres UE théoriques, comme par exemple les apports de la recherche en sociologie des usages, ou dans les questions autour de la place du numérique dans le domaine éducatif, je les retrouve dans mon quotidien et j’arrive à faire cette passerelle. Des personnes peuvent arriver, que ce soit des étudiants ou des enseignants, et peuvent se dire

« bah tiens, le numérique, c’est la réponse à tout. »

Mes expériences et les apports du master me permettent d’affirmer que non. Ce n’est qu’un outil et il faut réfléchir à ce qu’on veut en faire.

J’arrive à faire lien, même sur le plan personnel. Petite anecdote, là, je viens de me mettre aux arts martiaux. Les apports théoriques du master ont déteint sur moi dans le sens où maintenant, j’observe les modes de transmission d’une thématique ou d’un savoir, même en dehors de mon contexte professionnel. Le grand-maître va transmettre aux élèves, ensuite il y a un tutorat entre les élèves d’une même ceinture, et un accompagnement des ceintures noires aux autres élèves.

Est ce que tu notes une évolution de tes pratiques professionnelles depuis le moment où tu es arrivé au SUP, on le rappelle l’année dernière en début d’année, et maintenant ?

Simon : Oui, je me sens plus à l’aise depuis que je suis arrivé. Ce n’est jamais évident d’arriver dans une nouvelle structure, ou même dans une nouvelle formation parce que ça déstabilise. Tu n’es pas dans ta zone de confort. Je pense qu’on est obligé de passer par là, par cette découverte. Je sens que je suis beaucoup plus autonome, plus sure de moi qu’en début d’année dernière. Que ce soit sur le plan de la formation que sur le plan professionnel puis même personnel. Ça m’a permis de prendre conscience de certaines choses, je me sens plus en phase avec moi-même.

Qu’est ce qui est important pour toi au niveau de ton travail ? Quelles sont tes valeurs, ton ethos professionnel ?

Simon : Je travaille à l’université et je me dis que c’est un bien commun le savoir. Mes parents exercent leurs professions dans la fonction publique, j’ai toujours voulu travailler pour l’état et c’est important pour moi de rendre un service de qualité. J’essaye de donner le meilleur de moi-même, je me répète que c’est important. Le fait d’être à l’université, d’être en formation, d’avoir la chance de pouvoir travailler à l’université me rappelle que je suis dans un cadre privilégié. Et ce n’est pas rien. Faire des études ce n’est pas donné à tout le monde, c’est une chance dont je veux me saisir : évoluer, être encadré, apprendre.. J’essaye de me surpasser, de toujours aller vers les autres.

Tu l’évoquais tout à l’heure est ce que tu peux me parler un petit peu de ton expérience à l’université ?

Simon : C’est un environnement assez surprenant, je suis quelqu’un d’assez observateur à la base, je regarde et j’analyse beaucoup - peu être un peu trop - et à l’université, j’ai beaucoup a observer ! C’est une grosse machine, et c’est passionnant de voir comment tout s’organise dans cette mini-ville. Voir comment tout fonctionne au niveau décisionnel, avec l’administration, entre les enseignements, les enseignants, les étudiants, le personnel technique, le personnel de restauration..

Au niveau de mes missions, celles que j’apprécie particulièrement sont celles que j’exerce avec certains enseignants, qui nous sollicitent sur une question thématique et viennent se remettre en question. Je trouve ça touchant. Ce n’est pas évident, il faut faire le pas. Le fait de voir que des enseignants poussent la porte pour se questionner sur ces thématiques ou qu’ils déposent des projets sur DESIR, ou NCU (nb : un projet d’investissement d’avenir pour transformer son approche dans une logique compétence), m’a fait réaliser que les enseignants-chercheurs se questionnaient sur ces thématiques. Qu’il y a des choses qui se passent, des réflexions et des actions qui germent. Ma perception et mes représentations ont changé.

Les transformations pédagogiques de l’enseignement à l’université arrivent, et vont, je pense, prendre de l’ampleur. Je pense personnellement que c’est fini le temps des amphithéâtres où ce n’était que du transmissif.

Tu es en deuxième année de master, donc tu termines si tout va bien en juin prochain, tu vas devoir partir du SUP et quels conseils donnerais-tu à ton ou ta remplaçante ?

Simon : Que tout va bien aller ! Je lui dirais d’être acteur de son parcours et de bien réfléchir à son projet professionnel en amont. Je ne sais pas qui va me remplacer, mais si tout ce qui est question de pédagogie dans l’enseignement supérieur ça le questionne, ne pas hésiter à s’inscrire sur LinkedIn, à faire des démarches, des enquêtes métiers. Bien entendu, il n’y a aucune obligation à passer par Linkedin, mais il ne faut pas hésiter à prendre contact avec des ingénieurs pédagogiques, à se questionner pour être sure que c’est ce qu’on a envie de faire, et ne pas arriver en début de master et se dire « bah finalement, non ». D’être curieux, de s’ouvrir aussi.

Moi, en début de formation, j’ai repoussé mon engagement parce que j’avais l’impression d’avoir des lacunes, un décalage entre mon niveau et le niveau universitaire. Je faisais un barrage cognitif, je me disais « non, non, ce n’est pas pour moi ». Finalement essayer de s’ouvrir un maximum, je pense que c’est le maître-mot, être acteur de son parcours, se faire confiance.

Quelles sont tes poursuites pour la suite ?

Simon : Pour le moment, pas de doctorat au programme. Peu être plus tard. Je souhaite continuer à travailler sur un poste d’ingénieur pédagogique, plutôt dans l’enseignement supérieur. Avec le climat actuel, je préfère réfléchir en cours et moyen terme. Je me projète sur quatre ou cinq ans. Il est primordial selon moi de faire régulièrement des bilans, pour voir si ce que l’on fait ça nous plaît toujours. Si on est toujours motivé à se lever le matin. Je vais tourner ma recherche d’emploi vers des postes en Bretagne. Vive la Bretagne, et merci pour ce moment !

Voir en ligne : Pour découvrir le master TEF

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