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La pollution numérique : un sujet à aborder au collège comme au lycée

Les programmes de SNT au lycée, de SVT et de sciences physiques au collège invitent à aborder la question de la pollution et de la nécessaire sobriété numérique.
Mais comment s’y prendre ? Par quel angle attaquer ce sujet ?
Voici quelques pistes pour vous permettre de démarrer, car même avec de bons support, le sujet ne peut s’appréhender sans quelques lignes directrices de réflexion.

Pour lancer le sujet avec des élèves, il est possible d’utiliser la vidéo de la chaîne « Et tout le monde s’en fout » sur la pollution numérique.

Hiérarchiser les types de pollutions

La pollution principale liée au numérique est, pour l’instant, celle de la production des écrans.
Cette production représente 80% de la pollution liée au numérique et elle est loin d’être comptabilisée avec les seules émanations de CO2. En effet si la production est coûteuse en électricité et pour le transport (un téléphone fait le tour du monde avant d’être commercialisé), elle est aussi très coûteuse en matières premières : de l’eau certes mais aussi les métaux que sont les terres rares.
Une infographie de l’ADEME permet de se représenter l’impact environnemental du numérique dans ses proportions.

Comprendre les enjeux écologiques et géopolitiques liés aux terres rares

Une vidéo très claire du Monde peut être utilisée sur le sujet les terres rares avec les élèves. Et pour creuser le sujet, une émission de France culture est à disposition.

Les terres rares ne sont absolument pas rares. Ce sont les métaux que l’on trouve un peu partout dans le monde, y compris en France, tels que le scandium, l’yttrium et les lanthanides (groupe 3 périodes 4 à 6 du tableau périodique des éléments).
Ces métaux ont des propriétés physiques extrêmement utiles pour les technologies numériques :
Ce sont pour certains de puissants aimants. Ils ont des propriétés optiques qui permettent l’éclairage coloré des écrans, ont des propriétés mécaniques de dureté qui font qu’ils sont utilisés pour le polissage des écrans
Ces propriétés ne sont pas utilisées uniquement pour les téléphones ou les télévisions. Elles sont aussi indispensables à la construction d’éoliennes, des moteurs hybrides d’automobiles, des ampoules LED, de certains lasers, des technologies IRM et du polissage des verres en optique.
Mais leur exploitation a été stoppée en Occident dans les années 70 en raison de la très grande pollution qu’elle engendre et des normes environnementales qui se sont mises en place. En effet, pour extraire ces métaux de la roche, il faut utiliser des acides puissants qui polluent les terres et les rivières. Par ailleurs l’extraction entraîne des résidus d’uranium très dangereux pour la santé des populations locales.
Ainsi c’est principalement la Chine, sans normes environnementales, qui est devenue seule à extraire ces terres rares. Cela a créé des désastres écologiques en Chine mais a mis le pays en position dominante de production (près de 80% des terres rares proviennent aujourd’hui de Chine).
Cette situation, outre l’énorme problème environnemental qu’elle pose, met l’ensemble des pays en situation de dépendance par rapport à la Chine, ce qui crée des enjeux géopolitiques qui vont devenir cruciaux dans les années à venir.
Pour y remédier, certains pays, comme l’Espagne, essaient de relocaliser l’extraction de terres rares, mais les problèmes environnementaux qui sont posés sont loin d’être résolus et le débat est vif.
Cette pollution créé à la fabrication des terminaux va à l’encontre de tous les discours commerciaux de beauté de nos objets numériques et nous donne une première image à déconstruire.

L’impossibilité du recyclage

Les métaux utilisés pour un seul téléphone sont nombreux mais en infime quantité. C’est pourquoi leur recyclage est quasi impossible, et en tous cas extrêmement coûteux donc non rentable. La seule issue est le réemploi ou l’achat de matériel reconditionné. Des entreprises commencent à proposer ce service. En outre, depuis 2021, a été instauré en France un “indice de réparabilité’’ qui permet de savoir à l’achat si son téléphone sera facilement réparable ou pas.
Il n’en reste pas moins que de très nombreux terminaux non utilisés dorment dans les tiroirs, et que nous achetons des téléphones alors que les anciens fonctionnent encore. Par là même, nous amplifions le désastre écologique en cours et nous nous rendons toujours plus dépendants politiquement des pays producteurs.
Cette vidéo de l’Ademe présente la question de la durée de vie et du reconditionnement de nos terminaux.

Concevoir la matérialité d’internet et du web

Alors que depuis des années, on nous parle dématérialisation, il est important de concevoir l’impact physique des outils de communication : celle des data centers et celles des réseaux, des câbles sous-marins notamment. Les réseaux physiques représentent 25 millions de câbles de fibres optiques parmi lesquels 406 super câbles sous-marins.
Les data centers consomment énormément d’électricité pour le fonctionnement mais aussi et surtout pour leur refroidissement. Certaines entreprises essaient de parer à ce problème : data center fonctionnant en énergie éolienne, placés dans des zones froides ou sous l’eau. Mais la réalité est que leur fonctionnement est extrêmement coûteux et que lorsqu’une nouvelle technologie permet de faire baisser le coût énergétique, se met en place un "effet rebond" à savoir que les usages augmentent, empêchant tout bénéfice du coût écologique.
C’est la raison pour laquelle il n’apparaît pas d’autres issues à l’avenir que celle de la sobriété numérique, qui va consister à revoir nos usages.

Sur la question de l’empreinte écologique des data centers on peut proposer cette vidéo de France24 : Internet : Une pollution virtuelle ?

Une augmentation exponentielle des coûts de consommation et un énorme gaspillage

Les coûts de consommation sont moindres par rapport à ceux de la production. Mais le problème est qu’ils sont dans une courbe de croissance de l’ordre de 6% par an. Nous allons très rapidement devoir modifier nos usages car notre planète ne pourra pas supporter le coût énergétique de cette consommation.
Le plus grave est qu’une grande partie de ce coût énergétique est portée par des usages de “gaspillage énergétique" : photos stockées par défaut par centaines dans le cloud, mails non lus et comprenant des images etc.
Quelques pratiques individuelles simples sont à diffuser :
- limiter le visionnage de vidéos en streaming,
- bloquer la lecture automatique de vidéos
- adapter sa résolution d’écran
- ne pas acheter d’écran trop grand
- éviter les fichiers-joints aux mails ainsi que les photos et vidéos
- éviter les grands nombres de destinataires
- faire attention aux clouds par défaut etc.
Dans ce mouvement, se développent de nouvelles pratiques d’écoconception web pour permettre la mise en ligne de sites moins “gras”, donc moins gourmands énergétiquement. Mais une information de qualité manque sur ce sujet : de nombreux sites qui promeuvent des produits écologiques utilisent encore les vidéos sur les réseaux sociaux dans leurs pratiques commerciales ce qui est un non sens absolu.

Des acteurs français

En France, depuis 2021 il existe une loi, la loi REEN (1) qui pose un cadre pour réduire l’empreinte du numérique, avec notamment un volet éducatif fort. Les acteurs institutionnels principaux sont leMinistère de transition écologique avec laDINUMnotamment et l’ADEME.

Il y a aussi des Think Tank influents dans le domaine et qui proposent des formations : Green.it, l’INRet le Shift Project.
Il y a des associations : on peut citer Point de Mir, très tournée vers le sensibilisation dans les écoles , HOP qui lutte contre obsolescence programmée et les designers éthiques
Il y a enfin des entreprises telles que Telecoop un opérateur coopératif engagé dans le respect de l’environnement, Commownet Iodé.
Enfin de nouvelles spécialisations professionnelles voient le jour : des développeurs web spécialisés en écoconception, des consultants web marketing spécialisés en écoconception, des avocats spécialisés dans le domaine etc.

Des propositions d’activités

Marie Guillet propose sur son blog Doc à bord une séquence en EMI 5eme sur l’empreinte écologique de numérique, notamment par l’exploitation de l’album « Moi c’est Tantale »

Des ateliers Fresque du numérique peuvent être organisés près de chez vous.
N’hésitez pas à compléter cet article par des ressources qui aideront les collègues à concevoir leurs séances !

1 Loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France

Quelques ressources supplémentaires :

Enregistrement des jeudis de la recherche de l’Académie de Versailles sur la sobriété numérique (1/2) (avril 2022)

Article de la DANE Poitiers : Low tech et sobriété numérique en éducation (Avril 2022)

Article de Reporterre sur les métaux rares (2018)

Infographie de la BPI sur les terres rares (2021)

Article de GreenPeace

Article de TV5Monde : Réduire les effets de la pollution numérique au quotidien

Et pour approfondir encore : un dossier complet avec de nombreuses ressources d’Enseignants pour la planète

Voir en ligne : http://docpourdocs.fr/spip.php?arti...

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