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Contribution : une brèche dans notre monde, c’est comme un mur qui parle

La compagnie Alix M. s’est installée en résidence au lycée agricole De Caulnes du lundi 2 au jeudi 11 février 2021. Avec un mur de son, installés au foyer des élèves, les membres de la compagnie proposent des ateliers de pratiques artistiques aux élèves autour de leur projet artistique : Brèches, ou faute de révolution nous appuierons sur la ville.

UNE PERTURBATION PAR LA PERFORMANCE

Mercredi 3 Février. Il est 8H30. Trois classes pénètrent dans le foyer. Les élèves sont appelés par un son étrange qui fait vibrer les vitres. En face d’eux, ils-elles découvrent un mur de son – l’ambiance chargée par les fumigènes évoque des sentiments mitigés entre excitation et étrangeté. Un personnage communique avec le mur qui lui répond.


« C’est comme si ce mur était prisonnier »
nous raconte Zora pendant l’échange qui suit.

La discussion a pour but de poser l’objet des ateliers et de la résidence. « Nous sommes une compagnie de théâtre de rue, nous sommes ici pendant 15 jours. Le titre de notre projet est Brèches, ou faute de révolution nous appuierons sur la ville. Nous nous intéressons à ce qui entrave les libertés dans la société et nous souhaitons partager ce travail avec vous. » Témoigne Alix Montheil.


Cette première rencontre avec le projet de la compagnie a pour objectif de provoquer les esprits et d’indiquer l’objet du travail à venir : Au pied du mur quelque chose nous parle.

« Le mur que je vois c’est la honte et le regard des autres. »

DES MOTS, AU PIED DU MUR

Dans un second temps, chaque élève est invité à écrire anonymement ce que lui dit le mur.

« Tu me bloques, tu m’empêches d’aller dans cette direction.
Tu me coupes des envies.
À cause de toi, je ne peux pas faire ce qui me plairait.
Tu bloques inconsciemment ce que les autres de mon entourage aimeraient.
À cause de toi je ne dors plus parfois, c’est rare mais je stresse quand j’entends les gens en parler, je stresse quand je te vois.
Le pire est que je sais qu’il faut que j’en parle. »
« Mur de musique – mur d’émotions – Comment passer au-dessus de ses émotions ? ».

C’est un point de départ. COVID – peur des autres, de soi, les imaginaires sont forts et cette matière est utilisée par l’équipe artistique pour proposer une écriture théâtrale devant le mur de son. Les mots s’écrivent en slogan sur des pancartes et les élèves sont invités à faire des essais de mise en voix et en corps.

Deux jours en immersion avec les imaginaires.

Pendant deux jours les élèves sont confrontés au jeu, aux imaginaires, au public. Chaque journée est structurée par un rendez-vous devant d’autres lycéens. Les corps résistent, se tendent puis se relâchent, les regards s’égarent, se cherchent puis se précisent et s’intensifient. Les élèves sont invités à accepter de triturer les idées et à leur donner vie par le jeu.

« Pour que cela fonctionne vous devez y croire vous-même. »
souligne Benoit, comédien de la compagnie.



Centration, intentionnalité – les artistes et l’enseignant Erwan Bariou guident leur progression. Au fil des séances les élèves comprennent le jeu de la dramaturgie et des symboles, et proposent à leur tour des idées de mise en scène.
Ils et elles dansent, crient, les corps expérimentent le mur et ses imaginaires, la rencontre artistique se gagne, entre action et temps de réflexion collective - « ça vibre, par le mur et dans les corps  ».

BRÈCHES, DE L’AUTRE COTE DU MUR

Pendant ce temps, dans le bâtiment principal, la présence artistique de « brèches » délie les langues, les curiosités – « un mur de son pendant la crise sanitaire au lycée c’est étrange » - quelques parents appellent le directeur pour comprendre ce qu’il se passe. La présence artistique créé le décalage et l’étrangeté et donne de la valeur aux questionnements lors des rituels de fin de journée.


Un groupe de reporters part à la rencontre des adultes pour les interroger sur le projet. Pour les adultes interrogés, la présence artistique créé de la valeur culturelle et permet de montrer un processus de création, chose forte dans le contexte sanitaire.

« Cela vous permet d’expérimenter l’engagement et la prise de parole – vous apprenez ici à construire une pensée complexe et c’est un peu comme un travail sur la citoyenneté »
nous dit Morgane Personnic la directrice adjointe.

Pour Mhamed Faouri, directeur de l’établissement le mur cela peut être la fin mais aussi un renouveau. Il interroge les élèves sur une vision positive de la présence de limites, pour les dépasser, s’en affranchir, les sublimer.

Une autre façon d’apprendre.

Quelques jours plus tard les élèves se retrouvent avec leur professeur d’éducation socio-culturelle pour réaliser un bilan à froid de ce travail.
- Jérémy veut retenir de cette action une prise de conscience concrète, ressentie de la présence de murs dans nos vies que nous pouvons dépasser. « Je savais cela –dit-il – mais là, tout d’un coup, c’est devenu palpable ».

- Pour Loane ce travail a abouti à plus de tolérance envers les autres. « Moi qui suis sensible aux transitions écologiques, je me suis dit que nous pouvions avancer autrement dans la société, par l’art par exemple. » - « c’est un travail sur les préjugés ».

- Maëllane veut retenir une forme de libération personnelle : « avec les pancartes et nos mots j’avais l’impression de vivre ma première manifestation, je me suis sentie bien et soulagée – c’est la première fois que j’ose manifester quelque chose ! » Engagements, enthousiasme collectif revient également dans les compte rendus.




« Nous avons aussi beaucoup appris sur le son grâce à Robin l’ingénieur du son de la compagnie. »

De la même façon qu’il y a une autre façon d’apprendre – la preuve – il y a une autre façon de communiquer l’écologie se demandent les élèves qui ont suivi les cours d’EATDD. Nous sommes passés par des couleurs émotionnelles très nombreuses stress – joie – colère – nervosité – excitation – calme – cela nous apprend à canaliser le trop pleins émotionnels, c’est bon.

Des artistes au quotidien ?

Les élèves sont aussi revenus sur la fonction des artistes dans le quotidien du lycée.

« Ils apportent de la fraîcheur, un élan de nouveauté. Finalement, leur rôle c’est de stimuler nos imaginaires en nous perturbant. S’ils ne nous secouaient pas nous laisserions sans doute construire des centaines de murs. »

Propos recueillis et reportages réalisés par Maëllane, Loane et Jérémy, élèves en seconde GT et Erwan Bariou, enseignant d’éducation socioculturelle au lycée de Caulnes.

Voir en ligne : http://www.bretagne-creative.net/ar...

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