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Plateforme C Fab lab citoyen et pédagogique à Nantes par l’association PING Mode d’emploi (extrait)

Ce n’est pas dans l’académie de Rennes mais à Nantes, extrait d’une belle documentation de ing sur le fablab Plateforme C

Vous tenez entre les mains le 3ème opus de la collection « Ateliers Ouverts ». Dans cet ouvrage, nous revenons sur six années d’expérimentation d’un fablab que nous avons voulu à la fois ouvert sur la société civile et sur le monde de l’enseignement : Plateforme C. Espace d’innovation (plateforme) Collaboratif, Collectif, Citoyen, Commun (C), cet atelier augmenté imaginé par PiNG et plusieurs établissements d’enseignement supérieur a été un espace de test, d’expérimentation, de questionnements autour des pratiques numériques, des rapports entre technique et société, de la culture libre, de l’innovation pédagogique, des tiers-lieux numériques de 2013 à 2019.

Un article extrait du mode d’emploi (pdf 27 pages) édité par l’association Ping à Nantes et mis en pièce jointe, un remarquable travail de documentation et de partage, publié sous licence CC by sa nc

Avant propos par Charlotte Rautureau et Julien Bellanger [1]

À travers cet ouvrage, nous revenons tout d’abord sur l’histoire de Plateforme C (partie 1) : d’où vient ce projet, comment a-t-il été construit, que nous a-t-il appris ? Vous découvrirez également comment cet espace d’animation et de projets ouvre des sujets de réflexion à part entière autour des lieux de pratiques numériques (partie 2). Dans la troisième partie, nous vous invitons à la rencontre de ses communautés, leurs expériences et leurs projets pour mieux appréhender l’écosystème de notre atelier. Enfin, comme pour les précédents ouvrages de cette collection, nous concluons la publication par une partie plus didactique qui donne certaines clés et ressources pour qui souhaiterait développer un espace de type fablab.

Nous espérons à travers le partage de cette expérimentation vous éclairer sur la dynamique fablab et donner à voir le champ des possibles offert par ce type d’espace collectif.

LA PRATIQUE DANS L’ADN DU PROJET PING

Depuis 2007, PiNG anime des ateliers de pratique hebdomadaires qu’elle nomme « OPENateliers ». Ce terme que nous avons « imaginé » contient deux mots : « open » fait référence au logiciel libre dont l’open-source est une variante et également à portes « ouvertes ». Le terme « atelier » renvoie à la fois au type d’aménagement du lieu d’accueil (un atelier de pratique, de bricolage) et à la fonction des activités proposées (il ne s’agit pas d’un séminaire, d’une conférence ou d’une formation mais d’un atelier), en complément donc à d’autres temps. L’atelier offre une unité de temps, de lieu et d’action avec un rythme qui lui est propre.

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LA CRÉATION DE PLATEFORME C SUR L’ÎLE DE NANTES

Dans cette même période [2011-2012]], plusieurs acteurs sur le territoire nantais s’intéressent à la dynamique des ateliers partagés, des fablabs, des laboratoires de prototypage rapide. C’est la rencontre de ces intérêts croisés qui permettra la naissance de Plateforme C, fablab collaboratif.

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Quatre écoles d’enseignement supérieur et de recherche se joignent à PiNG pour monter ensemble un fablab citoyen et pédagogique : l’École de Design Nantes Atlantique, l’IUT de l’Université de Nantes, le Lycée Livet et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes. PiNG, la PRI Design’in et les quatre établissements d’enseignement supérieur présentés ci-avant, forts de leurs intérêts communs pour les fablabs, proposent à la Région Pays de la Loire le projet « Plateforme C », expérimentation à taille réelle, « étude permanente, à ciel ouvert ». Cet espace « tiers » a, en effet, été imaginé comme un démonstrateur des enjeux que portaient les fablabs en 2011 : enjeux éducatifs, économiques, sociaux... au service des partenaires et des territoires.

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CINQ ANS APRÈS : ANALYSE ET ÉVOLUTIONS

L’arrivée du lieu « Plateforme C » a nécessairement modifié le temps hebdomadaire des « OPENateliers » qui se déroule à présent sur l’île de Nantes. Sur un plan géographique, l’implantation sur ce quartier a modifié les publics et augmenté considérablement le nombre de participants (jusqu’à 1200 personnes sur un an) en attirant de nombreux curieux, bien souvent uniquement de passage, moins captifs aussi. Les dimensions de l’atelier ont eu également un impact - le fablab Plateforme C est 6 fois plus grand que l’atelier du Breil - modifiant la proximité entre les personnes, créant des petits groupes, remettant en jeu les besoins en compétences d’animation des personnes responsables des OPENateliers. La communauté a évolué. De nouvelles personnes sont arrivées par l’entrée « fablab », axées sur la fabrication numérique, attirées par les équipements ou informées par la médiatisation croissante du mouvement fablab et des imprimantes 3D.

Au-delà des OPENateliers, l’ouverture de ce nouvel espace de PiNG a eu des impacts sur le plan structurel. L’animation d’un tel espace a ouvert l’association vers d’autres pratiques : ateliers pluridisciplinaires avec les écoles partenaires (jusqu’à 11 établissements d’enseignement supérieur), accueil d’entrepreneurs/créatifs/makers sur plusieurs créneaux projets dans la semaine, parcours d’insertion professionnelle pour des jeunes, des personnes en recherche d’emploi, stages fablab juniors... Pour assurer cela, l’équipe s’est étoffée et deux emplois (régie et animation) ont été créés. Cet atelier est aussi devenu un espace de pratique en lien avec les sujets d’exploration de PiNG mais aussi un sujet d’exploration à part entière.

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DES FABLABS EN MOUVEMENT

Le concept de fablab est né dans un contexte géopolitique, celui du programme Digital Nations. Ce programme de coopération a été créé par Nicholas Negroponte du MIT, l’ancien président du Costa Rica, José María Figueres, et des partenaires mondiaux au Mexique, au Danemark et en Inde. Il visait à relever des défis sociaux ma jeurs (amélioration de l’éducation, amélioration des soins de santé, soutien du développement communautaire) grâce à la conception novatrice et à l’utilisation de nouvelles technologies. L’objectif ultime du consortium était de donner aux personnes de tous les horizons la possibilité d’inventer de nouvelles opportunités pour elles-mêmes et pour leur société. Le consortium s’est concentré en particulier sur les populations ayant les plus grands besoins : les enfants et les personnes âgées, les communautés mal desservies et les pays en développement. Dans le cadre de ce programme, l’idée de Bakhtiar Mikhak du Grassroots Invention Group et de Neil Gershenfeld avec son cours « How to Make Almost Anything » était, à l’origine, de permettre à des communautés locales de développer rapidement et facilement une expertise technique dans des contrées à priori « éloignées » de ces pratiques, comme l’Inde ou l’Amérique du sud, via une formation technique gratuite, standardisée et mondiale,une gouvernance coopérative encadrée par une charte, la réplication d’objets et leur documentation sous format libre. On voit ainsi que les fablabs ont aussi, et ce dès l’origine, une fonction sociale forte, favorisée par la charte11qu’ils doivent respecter et qui promeut notamment l’éducation par l’apprentissage de pair à pair et la pratique.

Les trois grands piliers du mouvement des fablabs à l’origine sont donc la « formation technique gratuite », un « lieu géré en local » et une « réplication et documentation » des projets. Il est à noter que ces objectifs premiers qui s’appuient sur des démarches de transmission des savoirs et de partage de connaissances ont rapidement été portés par d’autres dynamiques en lien avec le design d’objet ou la fabrication d’innovation technologique comme le projet Arduino, par exemple.

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Cette multiplication des lieux partout dans le monde est remarquable et a permis d’augmenter la diversitéet le nombre d’espaces de ce genre. Toutefois, la notion de fablab et les valeurs qu’elle sous-tendait a, la plupart du temps, perdu son sens au fil du temps pour devenir un mot-valise, un concept aspiré par la novlangue de l’innovation. Il convient en effet de regarder de plus près comment ces lieux dits fablabs ont choisi de s’organiser. Sont-ils accessibles gratuitement pour tous publics comme dans le concept initial de fablab ? Favorisent-ils l’échange de connaissances et des formations techniques bénévoles ou bien reposent-ils davantage sur une offre de service clé en main ? Que reste-t-il aujourd’hui de l’élan du mouvement des fablabs dans l’offre pléthorique d’ateliers qui se revendiquent de ce mouvement ? Sans doute, faut-il désormais aller observer des sous-réseaux thématiques plus pertinents que le cadre du fablab générique ne proposait à l’origine, comme les espaces populaires d’innovation pédagogique, ceux des fabCity ou des villes en transition.

DES LIEUX « APPRENANTS ?

Les trois grands piliers du mouvement des fablabs (« formation technique gratuite », « lieu géré en local », « réplication et documentation ») résonnent avec des pratiques plus anciennes déployées dès les années 90 dans des lieux comme les EPN (Espace Public Numérique), ECM (Espace Culture Multimédia), CCSTI (Centre Culture Scientifique et Technique), hackerspaces ou en lien avec des courants de pensée comme l’éducation populaire, la psychothérapie et la pédagogie institutionnelles, la pédagogie sociale et de nombreuses méthodes dites actives, expérimentales ou émancipatrices en éducation (Freinet, Freire... ), en arts (Bauhaus, Blackmountain College...), voire même dans les guildes de métiers (compagnonnages, corporations) ou leurs précurseurs au sein de sociétés à mystère en Grèce, enÉgypte et bien avant en Sibérie.12Si l’éducation populaire, avec ses universités, ses colonies de vacances et ses associations diverses n’est plus citée comme un espace d’innovation sociale par les décideurs, ce mouvement avec des principes tels que la gratuité, l’hospitalité, la gestion associative des lieux ou le développement d’ateliers techniques partagés, a pourtant été à l’avant-garde de pratiques initiant une dynamique similaire à celle des fablabs. Elle a favorisé l’émergence d’un savoir accessible, partagé et concrètement mis en œuvre dans un réseau de lieux connectés par des valeurs et co-construits par leurs membres. Dans cette continuité, certaines associations d’éducation populaire développent depuis 2019 leurs propres infrastructures numériques autonomes et libres, comme en témoigne le projet Contributopia13qui lie Framasoft, la Ligue de l’enseignement et les Cemea.

Ces affinités et proximités avec des courants historiques pédagogiques nous conduisent à trouver judicieux de qualifier les fablabs de tiers- lieux « apprenants ». Qu’entendons-nous par cette notion ? Jean-Baptiste Labrune, qui a consacré un article à ce sujet propose cette présentation : « Depuis leur origine dans les années soixante, les tiers-ieux ont été des espaces d’hybridation, d’expérimentation et de créativité. À la différence d’espaces institutionnels ritualisés et structurés selon des principes de verticalité, ils ont permis le développement de pratiques informelles, interdisciplinaires, centrées sur le faire par soi-même (DIY), l’apprendre par le faire (learning-by-doing) et l’éducation tout au long de la vie (lifelong learning). Dans un tiers-lieu, on apprend sur et par soi-même (savoir-être), on apprend de l’interaction avec d’autres (savoir-vivre), on affine des compétences précises et spécialisées (savoir-faire) et on devient petit à petit la mémoire et l’esprit du lieu, en situation de le garder vivant (savoir-transmettre). En harmonie avec ses habitants, le tiers-lieu étend son propre domaine de connaissance, de manière réflexive et interactive avec ses membres, il est lui-même « apprenant ».

L’expérimentation de Plate-forme C trouve écho dans cette appréhension des tiers-lieux apprenants. Au-delà de machines, ce sont des savoirs que l’on vient trouver et transmettre. Sur le plan métaphorique, la fabrication collective de ce lieu commun et de ses machines a permis à une communauté de construire son propre contexte, « d’habiter le projet », de faire de ce contexte un projet sur lequel capitaliser des savoirs. Notre fablab est un espace d’éducation populaire dans lequel les personnes viennent faire ensemble et apprendre les unes des autres, comme l’attestent les résultats d’un questionnaire sou-mis à notre communauté montrant leurs attentes en terme de trans-mission comme d’apprentissage, dépassant le strict usage d’un espace pour « makers ».Ces hypothèses s’inscrivent en connexion avec le développement de tiers-lieux à grande échelle dans l’écosystème universitaire. De nombreuses études, tels les rapports de Francois Taddéi (2009, 17 et 18) proposent d’inclurenos pratiques dans les théories pédagogiques comme le constructivisme (learning-by-doing) de Piaget à Papert, l’éducation permanente (lifelong learning) ou encore l’apprentissage « de nuit » inspiré par les écrits du biologiste François Jacob.

UN ESPACE DERECHERCHE-ACTION

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Au-delà d’être un terrain d’exploration fertile, Plateforme C s’est révélé être un sujet d’exploration et de recherche-action à part entière. Ainsi, plusieurs de nos sujets de recherche ont directement été reliés à la thématique des fablabs : réparation et obsolescence des technologies (slowtech), culture libre et propriété intellectuelle des objets (CLibre), nouveaux espaces de création graphique (papier/machine), agriculture urbaine et fablab.

À titre d’exemple, les questions de propriété intellectuelle et matérielle sont apparues centrales après l’ouverture du fablab et ont nécessité la création d’un programme d’exploration dédié : Clibre.

Des temps de rencontres animés par Vladimir Ritz, enseignant-chercheur à l’IRDP de Nantes (Institut de Recherche en Droit et Propriétés) ont été organisés sur ces sujets. À la fin des sessions, des traces écrites et comptes-rendus ont constitué à la fois de la matière pour sa thèse et une documentation située pour les adhérents. Ici, sesont exprimées les interrogations de nombreux adhérents sur le rapport aux objets techniques, à l’économie marchande et à ses alternatives.

L’objectif de ces temps de rencontre a été, en premier lieu, de démocratiser les questions de propriété intellectuelle pour les adhérents du fablab. La culture libre, au-delà de ses conceptions philosophiques et politiques, tente d’exister en prenant appui sur des outils juridiques pratiques et performants qui permettent de l’ancrer dans un environnement marchand plus traditionnel. Ces outils sont des licences qui donnent la possibilité d’utiliser, d’étudier le fonctionnement, d’adapter l’utilisation, de redistribuer et d’améliorer des projets, créant ainsi les conditions d’un renouvellement des échanges commerciaux, proche de la dynamique des biens communs. La volonté de constituer un groupe de travail sur les questions de propriété intellec-tuelle à Plateforme C a rejoint les enjeux pour PiNG de mettre en perspective le mythe de la culture libre dans un contexte plus général où se mêlent start-ups, acteurs de l’éducation populaire, pédagogues et artisans.

Lire la suite sur le document (pdf 27 pages également en pièce jointe)
- Les communautés du fablab
- Le lieu raconté par les usagers
- Focus sur quelques projets développés au Fablab

- le kit de mise en oeuvre


Voir en ligne : https://www.innovation-pedagogique....

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